ÉDITORIAL
Les poches des uns, les poches des autres
Ou ce qu’il restera dans nos poches
En 1929, l’état et le système bancaire allemand ont lancé une grande campagne de souscription populaire à des placements en bourse juteux, quitte à prêter l’argent à des personnes insolvables. Le « deal » ? Vous rembourserez quand ces placements rapporteront… Arriva le Krach boursier en octobre, qui eut des effets décuplés dans ce pays qui souffrait déjà des conditions imposées par le traité de Versailles. Résultat : la crise financière se transforma en crise économique, et sociale qui pava le chemin à la montée des fascistes. Résultat en 1933 : l’accession au pouvoir de Hitler.
Je ne veux pas faire ici de parallèle politique, mais plutôt aborder la situation économique et financière, alors que certains disent que nous connaissons justement la pire dépression 1929. Aujourd’hui, alors, que la croissance est négative dans tous les pays industrialisés de l’hémisphère nord, la bourse va bien, la bourse est « optimiste ». Alors que nous avons retrouvé, et pour un certain temps, des taux de chômage à deux chiffres, alors que les gouvernements maintiennent sous respirateur artificiel, avec des milliards qu’ils n’ont pas, les entreprises et les particuliers, les courtiers trouvent de nouveaux moyens de faire de l’argent, les banques s’en sortent bien, les assureurs et tous ceux qui ont fait des placements off-shore dans des paradis fiscaux, ben, ça ne va quand même pas si mal ! Tout ça évidemment libre d’impôt !
Quels sont les sacrifices que ces chanceux de la CoVid-19 ont consentis ? Les compagnies canadiennes actives dans les paradis fiscaux pourront bénéficier des 73 milliards de dollars d’aide financière du gouvernement libéral de Trudeau. Les banques, de leur côté, ont fini par accorder des reports de paiement d’hypothèque — pendant que les intérêts s’accumulent — « sans mention au dossier de crédit » ; mais pour combien de temps ? Globalement, elles ne font rien. Vous savez ce que cela signifie à plus long terme ? Demandez à votre maison d’assurance, quand elle va changer le montant des primes que vous payez ou arrêter de vous assurer…
Mais rendons à César ce qui revient à César : L’Autorité des marchés financiers (AMF) investira quand même 830 000 $ dans 37 associations coopératives d’économie familiale et 3 associations d’ainés. Petit détail : rien qu’à la bourse de Toronto, ce sont plus de 11 milliards de dollars d’échanges qui ont eu lieu au premier trimestre 2020 ! On pourrait partager le gâteau, afin que chacun fasse sa part ? Et la Caisse d’économie solidaire Desjardins, qui porte bien son nom, a mis en place toute une batterie d’aides pour un montant de 1,2 million de dollars. La ristourne habituelle sera collective et il y aura de petits prêts d’urgence ; ce n’est pas grand-chose, mais c’est un bon début.
Certes le taux d’insolvabilité a baissé ces derniers mois au pays, en autre chose parce que les créanciers, les locateurs et les administrateurs ont assoupli temporairement leurs exigences, et aussi grâce aux aides gouvernementales. Plusieurs ont ainsi pu joindre les deux bouts. Toutefois les experts s’accordent pour dire que c’est juste reculer pour moins bien sauter : le nombre de dossiers d’insolvabilité et de faillites va monter en flèche. On parle alors de “taux de délinquance” record… Voilà où nous en sommes rendus aujourd’hui. Que restera-t-il dans nos poches dans six mois ?