ÉDITORIAL
Mordus des chiens
Avez-vous entendu parler de cette femme de Montréal tué par le Pitbull de son voisin, ou de la réglementation adoptée par le maire Labeaume à Québec? La gueule carrée, la mâchoire qu’on devine puissante, court sur pattes, le poil ras, nous en croisons régulièrement… En promenant nos enfants dans la rue ou au parc, instinctivement nous nous en écartons, ou bien nous nous interposons. Réflexe normal d’un parent préoccupé par la sécurité de sa progéniture. Pour autant, est-ce bien justifié? Doit-on se prémunir contre cette catégorie de chiens en particulier? Et comment? En les interdisant purement et simplement? En s’assurant de leur inscription à un registre ou de leur bonne « éducation »? À l’heure où les gouvernements municipaux et provinciaux envisagent de légiférer sur la question, plus que jamais il faut y penser, mais rationnellement
En réalité, dans ce groupe on associe plusieurs types de chiens, dont le point commun est d’avoir été croisé (terrier et bulldog) spécifiquement dans un but de combat. Ils apparaissent récemment, à la fin du XIXe siècle. Ils héritent du caractère agressif du Bulldog envers les autres animaux, ils sont utilisés contre les taureaux, lors de la chasse... ou dans des combats contre des rats! Une des hypothèses est que les propriétaires se sont aperçus qu’en les croisant à des terriers, on leur ajoutait l’agilité tout en diminuant la taille. Pratique. Plus d’un siècle est passé, certains types de chiens de combat ont disparu, comme le White English terrier; reste que ces chiens ont un instinct de tueur : leur attaque à la gorge est rapide et puissante, elle vise à éliminer l’adversaire le plus vite possible.
Toutefois, est-ce une fatalité? Certains d’entre vous me diront probablement : mais que faites-vous de l’éducation? Parce qu’un chien, ça s’éduque… et ça se contrôle, il n’est tout de même pas un animal sauvage! Et c’est vrai, mais dans quelle mesure a-t-on le contrôle de tels animaux? Cependant, une étude Léger Marketing (2010) nous aide à répondre. Étonnamment, on trouve en tête des chiens ayant le plus mordu le berger allemand, le Cocker et le Rottweiler. Les Pitbulls arrivent bien après. L’enseignement à tirer de ces chiffres est donc que l’éducation (du chien, du maitre et des gens qui approchent le chien) est peut-être plus importante que l’instinct et les gènes… Ainsi, éduquer un chien avec des récompenses plus qu’avec des punitions, produit des chiens moins craintifs et donc moins agressifs. C’est prouvé.
Pourtant, l’Ontario a banni les pitbulls de son territoire, le Québec s’y prépare, dans le même temps qu’à Toronto le nombre de morsures avait augmenté depuis la mise en application de la loi provinciale! Alors que penser? En France comme au Canada, sont inclus dans cette interdiction des chiens issus de croisements, non-inscrits à un livre généalogique et qui se rapprochent des Strattfordshire terrier (ou American Strattfordshire terrier, dits Pitbulls), des Mastiffs (dits Boerbulls) ou des Tosa. Dans la catégorie chiens de garde et de défense, on peut retrouver les mêmes, MAIS sans croisement; dans ce cas-là, le Pitbull ne fait pas partie des chiens dangereux. Quoi qu’il en soit, en France, ils doivent être muselés et tenus en laisse en tout temps dans les lieux publics. Pas d’interdiction, mais des contraintes assez sévères, qui supposent un contrôle de la part des autorités (qui doivent financer adéquatement pour avoir un personnel d’inspection formé et en nombre suffisant); autre condition : l’intégrité morale de la part des propriétaires qui s’engagent à déclarer leur animal. Tout le monde devrait faire un effort finalement, parce que la volonté politique ne sera pas suffisante.