LETTRE
Réponse à « Tout bien portant est un malade qui s’ignore » de Didier Périès
Je me sens obligé de réagir àu chronique du 6 mai 2020 intitulée « Tout bien portant est un malade qui s’ignore ».
Pour décrire les objectifs visés par les mesures qui ont été mises en place afin de lutter contre le virus de la COVID-19, vous vous limitez à écrire : « Au nom de la santé de tous, on a pris des décisions […] Il est impossible de juger de la pertinence des mesures mises de l’avant sans considérer les véritables objectifs visés par celles-ci. Dès le départ, j’observe ainsi la présence d’une sérieuse lacune dans votre analyse.
Vous dénoncez le confinement en affirmant faussement qu’il a lieu partout et en tout temps, qu’il est appliqué à tous de la même façon, sans discernement. En réalité, comme les autres mesures, le confinement est appelé à évoluer selon l’état de la situation épidémiologique, sociale et économique, en fonction de l’amélioration des connaissances scientifiques et à la lumière de l’expérience acquise. Une opération graduelle et conditionnelle de déconfinement adaptée à différentes régions géographiques, à différents secteurs d’activités et à différentes clientèles a déjà été amorcée. Des centaines voir même des milliers de vies humaines sont en jeu. La prudence dont fait preuve le gouvernement m’apparait parfaitement justifiée et raisonnable.
Vous qualifiez de « dure à entendre », mais de « vérité », la proposition selon laquelle ce qui fâche, c’est que les jeunes confinés paient le gros prix pour sauver une population minoritaire, que ces mêmes jeunes vont payer pour une maladie dont les victimes ont en moyenne 81 ans. Cette proposition, je la trouve plutôt assassine. Elle expose une rhétorique qui accorde peu d’importance au respect de la vie humaine, du moins à partir du moment où une personne a atteint l’âge de 81 ans. Qu’en est-il des malades? Et hop! aussi les cancéreux, cardiaques, immuno-déficients et autres faibles de la société plus vulnérables que la moyenne des gens à la COVID-19?
« Pourquoi enlever aux individus toute dignité, en leur refusant les sorties à leurs risques »? demandez-vous, avant de faire valoir que « Décider de votre vie est un droit humain fondamental, qui franchement ne fait pas le poids face au droit à la santé ». Selon votre raisonnement, le confinement empêcherait l’exercice d’un droit absolu qui prime sur les autres droits. En conséquence, l’abolition immédiate et totale du confinement s’imposerait. Aux grands maux, les grands remèdes. Tant pis si la solution proposée porte nécessairement atteinte à l’intégrité physique et à la vie d’autrui.
Le droit de choisir librement de s’exposer ou non au virus de la COVID-19 dont vous faites la promotion est un droit égoïste. Il se consacre aux seuls intérêts de l’individu, sans égard à la collectivité. Je ne suis pas convaincu qu’un tel droit existe. Je doute fort qu’un tribunal détermine un jour qu’il soit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.
Maurice Labelle
Aylmer