LETTRE
Sommes-nous prêts?
En effet, comme M. Périès l'a souligné, il faudra effectuer un virage à 180 degrés pour ce qui est des changements climatiques.
Mais sommes-nous vraiment prêts à prendre ce virage, à la fois collectivement et individuellement? Je vois plusieurs obstacles à ce virage, mais je n'élaborerai que sur deux mentionnés par M. Périès et qui me frappent aux yeux presque quotidiennement.
Tout d'abord, il me semble évident que le système politique en vigueur ne permet pas de mettre en œuvre de véritables solutions à long terme, ce que les problèmes de gaz à effet de serre exigent pourtant. Plutôt que de distribuer des bonbons en vue d'une élection pour un prochain mandat, nos politiciens doivent faire preuve d'audace en prenant des mesures qui ne plairont pas à tous dans l'immédiat, mais qui seront bénéfiques à long terme. Eh oui, cela pourrait très bien se traduire par des taxes nouvelles ou plus élevées, mais qui oserait bien prononcer ce mot tant honni du contribuable (autre mot dont la racine en dit long). Mais bien au-delà de la volonté des politiciens, il faudra que notre structure politique et démocratique pousse ces derniers à être redevables de leurs gestes à long terme. Il faut repenser notre système actuel afin que l’intérêt des générations futures pèse autant dans la balance que le nôtre.
Ensuite, du côté des actions individuelles, il faudra donner un coup de barre. Nous tenons essentiellement pour acquise l'utilisation outrancière de ressources (eau, électricité, pétrole) dans nos vies quotidiennes. D’ailleurs, les habitudes de plusieurs étant solidement ancrées, je crois qu'il en faudra beaucoup pour un virage dans nos comportements individuels. Le facteur que les anglophones nomment le « hedonic treadmill » joue fort ici. Bref, pour que nos comportements soient appelés à changer, j’estime qu’il faudra que ça fasse mal au portefeuille. Mais, du même coup, vous souvenez-vous du fameux seuil "critique" de 1 $ le litre qui était censé faire basculer le comportement des automobilistes il y a 15-20 ans? Moi si. Et pourtant! Et pourtant, les VUS ont connu des ventes records ces dernières années et peu de gens troquent l’auto pour le vélo, par exemple. Parlant de seuil de tolérance, en voyant la file de gens pris dans leur voiture en solo aux heures de pointe sur Lucerne ou Allumetières à attendre 20 ou 30 minutes (au minimum), je constate qu'il en faudra beaucoup avant que les gens adoptent des moyens de transport alternatifs ou le covoiturage.
Afin de ne pas terminer sur une note pessimiste, je dois quand même souligner le courage et la volonté de plusieurs individus, entreprises, politiciens, municipalités et autres intervenants qui font preuve de lucidité, de créativité et de détermination dans cette lutte aux changements climatiques. Tout n'est pas perdu, mais, au bout du compte, sommes-nous prêts à abdiquer certaines de nos habitudes tenues pour acquises? Sommes-nous prêts à sacrifier un tantinet de notre bien-être pour celui de nos enfants et petits-enfants?
Martin Pelchat
Aylmer