ÉDITORIAL
À toi, dont l’action est sans prix!
Il y a plusieurs manières de contribuer à la vie collective, sous une forme rémunérée ou gratuitement. Les festivités actuelles (au nom d’une fierté ou d’une autre) donnent à chacun d’entre nous l’opportunité de participer à des évènements divers. Cependant, au-delà des clivages identitaires et nationaux, c’est toute une manière de vivre qui est en jeu.
Ainsi, venir en spectateur (payant ou pas), agir en tant qu’employé salarié ou comme bénévole, ce n’est manifestement pas la même façon de participer à des événements tels que L’Outaouais en fête. En tant que bénévole, on est sur le même pied d’égalité que des personnes d’horizons variés : avocate française immigrée depuis 12 ans qui veut simplement donner un coup de main tout en écoutant quelques concerts, enfant de la région qui a commencé adolescent à s’impliquer pendant ses études secondaires au PÉI et qui continue chaque année depuis, nouvel arrivant venu du Burkina Faso qui découvre un pays et qui a besoin de montrer qu’il sait interagir dans un contexte professionnel… Le bénévolat brasse une population motivée par autre chose que l’appât du gain.
Le bénévolat est un cadeau précieux; nous sacrifions du temps, notre temps personnel, au bénéfice de quelqu’un d’autre ou de la communauté entière. Travailler ainsi est-il moins noble que se faire payer 100 000 $ pour quelques minutes de présence, sur une scène, dans un aréna ou derrière un bureau au 50e étage d’un gratte-ciel?
En tant que Français (de France), j’ai été rapidement étonné à mon arrivée par l’engagement d’un grand nombre de gens dans tous les domaines. Si vous avez l’occasion d’aller voir ailleurs, en Europe par exemple, vous vous apercevrez en effet que certaines sociétés sont plus développées que d’autres à cet égard. En France, les seuls bénévoles que j’ai pu côtoyer durant mes 30 premières années de vie, étaient de vieilles dames à la retraite qui recueillaient des dons ou organisaient des kermesses en faveur des enfants africains; des membres d’associations culturelles ou communautaires sans un sou… ou des parents qui coachaient leur enfant dans ses sports.
Ici, entre le sport, les évènements culturels, les collectes de fonds diverses, les collectes de sang et j’en passe, une bonne partie de notre vie quotidienne est de fait organisée, gérée, réalisée par des bénévoles. Je trouve cela vraiment bien. Parfois, en y repensant, je me dis que toutes ces actions comblent des manques pour finalement remplacer des services qui devraient être publics…
En tout cas, les citoyens tissent ainsi des liens autrement que sous un angle financier. N’est-ce pas agréable? Et si vivre dans une société sans argent était possible? Et bien, l’univers de Star Trek — oui, le « voyage vers les étoiles » — l’a justement imaginé : après un cataclysme nucléaire, l’humanité se relève et décide dans un effort supranational de s’unir pour conquérir les étoiles; à partir de là, toute personne contribue selon ses compétences, son ambition et son mérite à l’effort collectif pour explorer l’espace et répandre un modèle socio -politico-économique nommé La Fédération. Cette société imaginée par Gene Rodenberry n’utilise pas de monnaie ou d’argent. Chacun mange à sa faim, a un toit, de quoi se vêtir, peut accéder à des loisirs, bref se voit donner ce dont il a besoin en échange de son travail. Tout simplement. Les échanges commerciaux relèvent plus du troc, à grande échelle parfois. Sans supprimer l’avidité, la soif de pouvoir, et les abus qui en découlent, ce monde du futur est la démonstration que travailler de manière bénévole est non seulement louable et gratifiant : cela peut être payant!