ÉDITORIAL
Tous les goûts sont dans la nature
J’aurais pu intituler mon éditorial « Tous les sexes sont dans la nature », reprenant du même coup le titre du livre de Thierry Lodé, qui a servi de révélateur — un peu comme les produits chimiques en photographie — pour rendre plus nette ma compréhension intuitive de la question du genre et de l’orientation sexuelle. Parce que quoique nous en pensions, nos opinions à ce sujet viennent surtout de notre éducation, laquelle a été essentiellement forgée par notre culture judéo-chrétienne. Les grandes religions monothéistes d’aujourd’hui (Judaïsme, Christianisme, Islam) sont d’une même lignée et ont plus en commun dans leurs fondements que de différences, notamment quand il s’agit de la vision des genres (homme, femme), de l’orientation sexuelle (hétéro, homo, pan) et du rôle de la sexualité au regard de la procréation. Je pense avoir déjà consacré plusieurs textes ces cinq dernières années à ces distinctions…
Alors, que nous explique Thierry Lodé dans son essai de vulgarisation scientifique ? Et bien pour commencer, il replace la question de la sexualité dans la perspective plus générale de la vie sur Terre depuis son apparition, il y a plus de trois milliards d’années ; ses nombreux exemples illustrent ses vastes connaissances sur une Nature qui présente tellement de diversité de formes, de conditions, de fonctionnements que c’en est enivrant ! Et au sein de ces rôles dévolus aux uns et autres se trouvent la copulation et les relations sexuelles. Je les différencie, parce qu’il apparait qu’elles ne sont pas consubstantielles ; comprenez-moi bien, là où il y a reproduction, il y a sexualité — en général : pensez à certains organismes vivants qui se divisent eux-mêmes pour se multiplier, à l’identique — mais l’inverse n’est pas vrai du tout !
Si pour 95 % du vivant se reproduire se fait bel et bien et au sein d’une même espèce, d’autres conditions doivent quand même être réunies : l’âge des partenaires, un comportement spécifique de séduction, deux « sexes » ou principes (le fécondant et le fécondé). Attention, je n’ai pas parlé de masculin et féminin ou de pénis et de vagin. C’est justement là que la biologie apporte un éclairage déterminant. La sexualité à travers ses milliers de déclinaisons dans le règne animal et végétal est si complexe qu’elle complique la reproduction (la perpétuation et l’adaptation de notre ADN aux conditions de vie) tout en la rendant plus attractive.
Par ailleurs, l’hermaphrodisme, la transidentité (changer de genre au cours de sa vie) et l’homosexualité furent longtemps la règle plus que l’exception. Encore de nos jours, dans beaucoup d’espèces, y compris chez les mammifères, copuler entre mâle et femelle afin de se reproduire est tout à fait compatible avec des pratiques homosexuelles, y compris chez un même individu. Ainsi les lions, pourtant symboles de puissance virile, n’y échappent pas. La bisexualité est la norme et le concept de partenaire unique tout au long de l’existence n’est pas un fait pas si généralisé que cela. En fait, la diversité des sexualités est nécessaire à notre évolution pour nous adapter, à notre survie.
Maintenant, vous pouvez continuer de croire ce que vous voulez sur ce que doit être un couple, une sexualité normale ou l’appartenance à un genre plutôt qu’à un autre. Cependant cela ne repose pas sur la réalité de la nature dont la science nous apporte des preuves.