Une motion de délai déraisonnable remettrait-elle en liberté un Aylmerois condamné?
Deux avocats de Gatineau, Me Christian Deslauriers et Me Pierre-Olivier Lemieux, qui défendent un résident d’Aylmer emprisonné, Khalid Gakmakge, considèrent présenter une requête en délai déraisonnable.
En mars 2011, M. Gakmakge a été trouvé coupable par un jury et condamné à la prison à vie sans possibilité de libération avant 2025 pour avoir poignardé son épouse Lucia Medeiros dont il était séparé. Le meurtre qui avait bouleversé la communauté des Jardins Lavigne avait eu lieu le 12 décembre 2008.
Toutefois, en février 2015, la Cour d’appel du Québec (CA) a déclaré nul le procès du fait que l’accusé n’avait pas eu droit à une défense pleine et entière, « qui est un droit constitutionnel fondamental », dit le jugement. La CA a ordonné la tenue d’un nouveau procès pour meurtre au deuxième degré qui n’a pas encore eu lieu.
La requête des avocats repose sur l’arrêt Jordan, décision de la Cour suprême l’an dernier qui a fixée de nouveaux délais pour les procès. Les plafonds (délais raisonnables) ont été fixé à « 18 mois du début à la fin d’un procès pour les cours provinciales et de 30 mois pour les cours supérieures (ou pour les procès en cour provinciale après une enquête préliminaire). »
Aujourd’hui dans la mi-quarantaine, M. Gakmakge a été détenu pour plus de 100 mois depuis la tragédie de décembre 2008 sur la rue des Franboisiers. Toutefois, la CA a déclaré nul le procès en février 2015. La date du nouveau procès n’est toujours pas fixée ce qui justifie la requête des avocats de M. Gakmakge.
C’est le témoignage d’un expert qui a porté la CA à ordonner un nouveau procès. Lors du procès un expert en éclaboussures de sang et en ADN a exposé un scénario différent que celui qu’anticipait la défense.
« Lors de l’enquête préliminaire, Mme Prévost a dit qu’elle était incapable de donner une opinion sur la séquence pour des raisons qu’elles a fournies et au procès, elle s’est dit capable de donner une opinion sur cette question sans pour autant justifier ce changement par de nouveaux faits », précise le jugement.
Le témoignage de Mme Prévost est important pour la Couronne puisque l’accusé a dit avoir tué Mme Medeiros en légitime défense, après qu’elle l’eut poignardé dans le lit. La Couronne a fait valoir que M. Gakmakge a d’abord poignardé Mme Medeiros au moyen d’un gros couteau de cuisine pour ensuite tenter de s’enlever la vie. La police les a trouvé tous les deux dans un bain de sang, Mme Medeiros dans la cuisine et M. Gakmakge dans la chambre.
Lors du procès, le nouveau scénario exposé par le témoin expert (Mme Prévost) appuyait la théorie de la Couronne. La défense s’est objectée du fait qu’elle ne pouvait contrer ce témoignage inattendu mais le juge a rejeté l’objection. La CA a finalement jugé que les droits constitutionnels fondamentaux de M. Gakmakge n’avaient pas été respectés.
Aucun avocat n’a retourné nos appels.
(Trad.: CB)