ÉDITORIAL
Vive la francophonie !
Vous croyiez que je laisserais le Mois de la francophonie au Canada se terminer sans en parler ? Laisser à nos concitoyens anglophones tout le terrain médiatique pour dénigrer les projets de loi récents proposés par les gouvernements canadien et québécois ?
Depuis des semaines, je lis régulièrement des articles, des entrevues, des « rapports sur les travaux de l’Assemblée nationale », ici ou ailleurs, et je me retiens, en me disant qu’il y a des enjeux, des sujets plus importants. C’est vrai, mais bon, nous venons de passer la Journée internationale de la francophonie (le 20 mars, pour le passage au printemps) dans l’indifférence quasi générale, tout au moins chez nous.
Ainsi, selon Marlene Jennings, on voudrait « éradiquer » l’anglais au Québec? Rien que ça ! Admettons… Avec quelques dispositions ? Commençons avec le projet de Loi C-13 « Loi modifiant la loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale… ». En gros, cette loi imposerait de nouvelles obligations et droits relatifs à l’utilisation du français aux consommateurs et employés de cette catégorie d’entreprises au Québec et dans les « régions [du Canada] à forte présence francophone”. Cela concerne les entreprises ayant un mandat fédéral ou exerçant des activités fédérales, avec beaucoup d’exceptions en fait. Elles devraient “promouvoir” la deuxième langue officielle et leurs employés pourraient désormais travailler en français. Les consommateurs des services ou produits afférents auraient le droit 1) d’être servis en français 2) de porter plainte auprès du commissaire aux langues officielles. Quelle attaque à l’anglais ! On ne parle même pas de les assujettir à la Loi 101 (la Charte de la langue française ou CLF) !
Le projet de loi 96, quant à lui, est une actualisation, un léger renforcement de la CLF, puisqu’il réaffirme simplement que la seule langue officielle du Québec est le français. Ce qui devrait par se traduire par une plus grande importance donnée à l’affichage en français, par une information aux consommateurs en français, par une traduction en français des actes juridiques, par un personnel juridique et/ou des avocats qui parlent le français, par des contrats commerciaux obligatoirement en français, par une communication avec le personnel d’une entreprise en français, notamment sur les conditions d’emploi, la formation, etc., par une obligation de francisation dans les entreprises de plus de 25 employés et finalement en demandant aux étudiants francophones dans les cégeps anglophones de suivre 3 cours en français, l’équivalent de l’épreuve uniforme de français du collégial.
Vous trouvez ça exagéré ? Franchement, pourquoi se pose-t-on la question, alors qu’ailleurs au Canada, il semblerait que la prédominance de l’anglais ne gêne pas le moins du monde nos “Quebecers”, grands défenseurs du bilinguisme canadien… quand ça les arrange ! Quid des dizaines de milliers d’immigrants anglophones unilingues qui s’installent au Québec, parmi lesquels beaucoup d’étudiants de McGill et de Concordia ? Que dire aussi du poids institutionnel inouï (en santé et en éducation, par exemple) pour une minorité linguistique officielle du Canada qui totalise moins de 10 % de la population ?
Comment dit-on en anglais “Mieux vaut prévenir que guérir” ? Les cris d’orfraie des Anglo-Québécois dans les derniers mois ressemblent à s’y méprendre à une guerre préventive. Vanité des vanités… La véritable bataille n’est-elle pas ailleurs? Créons un statut de « langue nationale », et conférons-le aux langues autochtones!